La transformation des bureaux et autres bâtiments en logements facilitée !
- Thomas Poulard
- 27 juin
- 5 min de lecture

La loi n°2025-541 du 16 juin 2025 dite « Daubié » visant à « faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements » est entrée en vigueur le 18 juin 2025.
Le dispositif repose sur un mécanisme de dérogation aux règles du plan local d’urbanisme (PLU), ou du document en tenant lieu, auquel le législateur a de plus en plus recours.
Voici l'essentiel à retenir en quatre points !
1️⃣ Le nouvel article L. 152-6-5 I C. urb. dispose ainsi que l’autorité compétente « peut », à l’occasion de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, « autoriser le changement de destination d'un bâtiment ayant une destination autre que d'habitation en bâtiment à destination principale d'habitation, en dérogeant aux règles relatives aux destinations » fixées dans le document d'urbanisme.
L’autorité compétente pourra également autoriser par la même occasion les « travaux » ou «constructions d'extension ou de surélévation faisant l'objet de l'autorisation d'urbanisme ».
La dérogation vaut quelle que soit la destination initiale de l'immeuble. Mais elle ne s’applique aux bâtiments destinés à l’exploitation agricole ou forestière que s’ils ne sont plus utilisés depuis plus de 20 ans (art. L. 152-6-5 III C. urb.).
2️⃣ Si ce dispositif est présenté comme une simple faculté, l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme (le maire, le plus souvent) devra, le cas échéant, motiver son refus d'accorder la dérogation. L’autorité compétente devra ainsi « [tenir] compte de la nature et de la zone d'implantation du projet », et motiver son refus par référence aux critères suivants :
« risques de nuisances pour les futurs occupants » ;
« insuffisante accessibilité du bâtiment par des transports alternatifs à l'usage individuel de l'automobile » ;
« conséquences du projet sur la démographie scolaire au regard des écoles existantes ou en construction » ;
« objectifs de mixité sociale et fonctionnelle ».
3️⃣ La Loi prévoit des consultations obligatoires, à titre de garde-fous.
En premier lieu, l’avis conforme de l’autorité compétente en matière de PLU ou de documents en tenant lieu est requis (art. L. 152-6-5 II C. urb.).
Cela est heureux car l'un des risques majeurs de cette dérogation est de « détricoter » les prévisions des auteurs du PLU. En effet, en fonction des caractéristiques du bâti existant, c’est un apport de population important qui pourra être induit par le projet, y compris en zone agricole ou naturelle car la dérogation n’est pas limitée aux zones U et AU !
Toutefois, cette consultation obligatoire pose a priori deux difficultés.
D'une part, ces dispositions ne prévoient ni le délai dans lequel l’autorité en charge du PLU doit se prononcer, ni les conséquences de son silence.
L’article R. 423-59 du code de l'urbanisme pourrait alors être applicable : "Sous réserve des dispositions des articles L. 752-4, L. 752-14 et L. 752-17 du code de commerce et des exceptions prévues aux articles R*423-60 à R*423-71-1, les collectivités territoriales, services, autorités ou commissions qui n'ont pas fait parvenir à l'autorité compétente leur réponse motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis sont réputés avoir émis un avis favorable".
Autrement dit, l'autorité compétente disposerait d'un délai d'un mois à compter de la demande d’avis pour se prononcer ; et à défaut d'avis exprès formulé dans ce délai, celui-ci serait réputé favorable.
D'autre part, l'article L. 152-6-5 II C. urb. ne précise pas quel est l'organe compétent pour émettre cet avis ; par exemple, lorsque l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) est compétent en matière de PLU, l'avis doit-il être émis par le président de l'EPCI, ou par l'organe délibérant ?
A défaut d'attribution de compétence à un organe déterminé, une première réponse serait de se tourner vers les règles de droit commun du code général des collectivités territoriales.
Or, aux termes de l'article L. 2121-29 CGCT (également applicable aux EPCI par renvoi de l'article L. 5211-1 CGCT) :
"Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune.
Il donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les lois et règlements, ou qu'il est demandé par le représentant de l'Etat dans le département.
Lorsque le conseil municipal, à ce régulièrement requis et convoqué, refuse ou néglige de donner avis, il peut être passé outre. (...)".
A suivre cette analyse, l'organe délibérant serait donc compétent, faute d'attribution expresse au président de l'EPCI [1].
Cette obligation de consulter l'organe délibérant serait toutefois assez lourde à mettre en oeuvre, le rythme des réunions de l'organe délibérant n'étant pas nécessairement congruent avec le calendrier d'instruction de la demande d'autorisation d'urbanisme ...
En deuxième lieu, le maire de la commune concernée doit également être consulté, lorsqu’il n’est pas l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme (art. L. 152-6-5 II C. urb.).
Ce cas peut se présenter, par exemple, lorsque la compétence pour accorder l'autorisation d'urbanisme incombe au Préfet.
En troisième et dernier lieu, en zones naturelles (N) et agricoles (A) des PLU, la dérogation est en outre subordonnée à l’avis conforme (art. L. 152-6-5 III C. urb.) :
de la CDPENAF (commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers) en zone A ;
de la CDNPS (commission départementale de la nature, des paysages et des sites) en zone N.
4️⃣ D'autres dispositions viennent compléter ce dispositif :
la loi permet également à l’autorité compétente de déroger aux règles relatives à la taille minimale des logements fixées en application de l’article L. 151-14 du code de l'urbanisme (art. L. 152-6-6 C. urb.) ;
la loi permet la conclusion d’un projet urbain partenarial pour faciliter le financement des équipements publics nécessaires (art. L. 332-11-3 C. urb) ;
loi assouplit même les conditions dans lesquelles l’assemblée générale d’une copropriété peut autoriser la transformation d’un lot privatif autre que d’habitation en habitation, lorsque cela contrevient à la destination de l’immeuble au sens du droit de la copropriété (art. 9 I al. 2 L. 10 juillet 1965).
[1] v. par exemple CE, 4 août 2006, req. n°241137, inédit : "Considérant qu'aux termes de l'article 49 du décret du 5 mai 1997 : Lorsqu'une ligne ou section de ligne a été fermée à tout trafic en application de l'article 22 du présent décret, Réseau Ferré de France peut proposer son retranchement du réseau au ministre chargé des transports, après avis des collectivités territoriales concernées et de la SNCF qui disposent d'un délai de trois mois pour faire part de leurs observations. La ligne ou section de ligne considérée peut alors être retranchée du réseau ferré national par décret pris sur le rapport du ministre chargé des transports, après consultation des ministres ayant des attributions en matière de défense ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
(...)
Considérant toutefois qu'aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. Il donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les lois et règlements ; qu'aux termes de l'article L. 3211-1 du même code : Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département. (...) Il donne son avis sur tous les objets sur lesquels il est consulté en vertu des lois ou règlements ou dont il est saisi par les ministres (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis de la commune de Chemazé, transmis par son maire, n'avait pas fait l'objet d'une délibération de son conseil municipal ; que, de même, l'avis du département du Jura, transmis par le responsable du service des infrastructures, n'a pas fait l'objet d'une délibération ; qu'ainsi, la décision de retranchement de sections des lignes Sablé-Montoir et Chaugey-Lons le Saulnier a été prise au terme d'une procédure irrégulière ;"